Autopsie : Bruno Mouron & Pascal Roustain

Yellowkorner a le plaisir d'accueillir l'exposition de Bruno Mouron et de Pascal Rostain, deux photographes communément considérés comme "Paparazzi" devenus depuis plus de 30 ans les anthropologues contemporains des rejets de la consommation voire de la sur-consommation des individus people (stars et artistes) mais aussi de la globalisation avec ses disparités les plus outrageantes.

Storytelling

Ce projet au long cours a mis bien des années à trouver sa légitimité la plus irréprochable passées leurs premières publications à Paris-Match. Les mentalités ont heureusement évolué depuis et l'actualité de leur propos est incontestablement aujourd'hui la plus contemporaine autant artistiquement que politiquement. Leurs "natures mortes" de vintages publicitaires et de marques élégamment ordonnées sur un fond de velours donnent toute sa pertinence à ces "herbiers" contemporains qui sont en même temps les portraits individuels ou collectifs de leurs propriétaires dépositaires... de dépotoirs.

Leur concept a commencé en 1988 avec la poubelle de Serge Gainsbourg, rue de Verneuil comme un pied de nez à "l'homme à la tête de chou" devenue malgré eux une caricature involontaire : clopes, cadavres de bouteilles, bafouilles, canards en tous genres.

Ce ne sera que le début d'une incessante enquête professionnelle, d'abord parisienne qui les mènera ensuite de Hollywood à Moscou, de Reagan aux pauvres du Malawi, de Madonna à Jack Nicholson ; sans concession mais cependant sans intrusion dégradante autant que sans contrôle d'une autorité supérieure ni des auteurs présumés des déchets. Prélèvements scientifiques autant qu'éthiques en ce sens qu'ils respectent l'individu, les grands formats de Mouron et Rostain sont les grands tableaux d'histoire de notre civilisation, exposés dans le ventre si ce n'est le temple de la consommation.

Avec leurs images grands formats, les mots sont inutiles car l'éloquence des images est minutieusement construite grâce à la qualité du tirage, à la maîtrise de l'ordonnance et de la composition, à leur parfaite connaissance du vocabulaire du design et du packaging, à rigueur de la mise à plat scientifique et de l'éclairage neutre. Résultat assuré : maîtres en communication que les bureaux des plus grandes agences de marketing ; leur message touche toutes les cibles avec une efficacité de tireur d'élite.

Leurs expositions dans le monde

Ils fouillent les poubelles de célébrités pour photographier ordures et emballages, représentés en grandeur nature sur leurs tirages de 1,80 m sur 2,40 m, puis exposés sur les cimaises des musées du monde, de Moscou à Singapour, en passant par Paris. Ils sont les artistes Pop les plus écologistes et les lanceurs d'alertes les plus redoutables. Ils ont ainsi renouvelé le "Paparazisme" avec génie et laissent sur le trottoir les donneurs de leçon.

Ce travail "in progress" a déjà exposé à la Maison Européenne de la Photographie de Paris en 2007 et au centre Pompidou Metz en 2014 sous le titre générique "Trash", ainsi qu'au Schirn Kunsthalle à Franckfort, à New York, Moscou, Singapour, Taïwan et Genève. Il représentait la France à la dernière exposition universelle de Milan, en 2015.

"Dis moi ce que tu jettes, je te dirai qui tu es"

Trente ans après la porte du "Beau Serge" dans le quartier, c'est de nouveau au mythique Saint-Germain qu'on retrouve Mouron et Rostain.

Interview avec Pascal Rostain et Bruno Mouron

Après avoir exposé vos photos à la MEP à Paris, au Centre Pompidou Metz et à l’exposition universelle de Milan, vous présentez l’exposition « Autopsie » chez YellowKorner. Racontez-nous les raisons de ce choix.
Pascal Roustain : YellowKorner est un acteur incontournable de la photographie depuis une vingtaine d’années, après avoir exposé à New-York, paris, Singapour, Taïwan, Moscou, Genève, Frankfort ou Milan ils nous est apparu logique et même naturel d’essayer le réseau YK AVEC ses 140 galleries à travers le monde.
Bruno Mouron : YellowKorner permet d'avoir plus de visibilité en générant un grand nombre de personnes s'intéressant à notre travail.

Le mot Paparazzi provient de la contraction de « papatacchi » signifiant petit moustique et « razzi », les éclairs de flash. Ce mot a été inventé pour le film de Federico Fellini « La dolce vita » dans lequel un photographe aux méthodes peu recommandables est surnommé Paparazzi. Comment percevez-vous ce terme aujourd’hui ?
P.R : Le mot paparazzi est vraiment galvodé aujourd’hui! Nous avons commencés à une époque où nous faisions partie de l’environnement des célébrités, et celles-ci étaient vraiment légitimes, dans les seventies nous photographions, Grace Kelly, Brigitte Bardot, Jacqueline Kennedy, Orson Welles, Romy Schneider, Richard Burton et Liz Taylor..... donc, oui l’époque a bien changé! Et les nouvelles célébrités, stars de la télé-réalité ou footballeurs en sont elles réellement?
B.M : Le genre paparazzi ne tardera pas a etre récupéré par le monde de la mode et de la publicité qui l'emménera vers un certains esthétisme.

Vous aimez citer Pierre Lazareff qui disait « Si vous ne pouvez passer par la porte, passez par la fenêtre! ». Racontez-nous vos méthodes pour récupérer les poubelles des célébrités en France et à Los Angeles.
P.R : Pour ce travail de récoltes des poubelles, commencé il y a 30 ans, notre méthode est assez simple; nous récoltons les déchets d’une semaine de consommation quelques heures avant les camions poubelles.

Cette série de photographies de poubelles de célébrités donne lieu à un concept infini. Quelles sont les prochaines étapes ?
P.R : Les prochaines étapes; nous avons récoltés la poubelle de la mer; sur une plage bretonne après une grande marée, le résultat sur la pollution est édifiant.  Nous avons voulu faire la poubelle de Dieu! En faisant celle du pape à Castel gondolfo (résidence d’été des papes) mais trop d’habitants, donc nous avons récoltés celles d’un curé, d’un imam et d’un rabbin. Conclusion, Dieu aujourd’hui s’appelle Coca-Cola, ils en boivent tous, et nous avons appris à cette occasion que le grand rabbin de New-York avait été, en 1973, invité à Atlanta par la firme, pas pour la recette mais pour les ingrédients, voir s’ils étaient casher. Dans le futur, nous continuerons, évidemment les célébrités mais également les pays où les artistes (nous venons de récupérer celle de David Hockney) plus encore beaucoup de surprises mais c’est un secret!

De paparazzis, à artistes ou encore journalistes d’investigations, vos qualifications sont multiples. Qui considérez-vous être aujourd’hui ?
P.R : Journalistes, toujours! Artistes, peut-être, mais peut-être plus sociologues ou même rudologues.
Dans tous les cas, certainement témoins de notre époque, de notre société de consommation (en excès!) et peut-être, également, analystes de la sur- consommation!! Et du travail qu’il reste encore à notre planète à réaliser pour mieux consommer, mieux trier et essayer de diminuer les 4000 milliards de déchets que la terre produit chaque année dont seulement un quart est recyclé!
B.M : Jeff Koons est un ancien trader. Jacques La Villéglé arrachait des affiches dans le métro. Le travail d'Arman fut longtemps décrié et contesté, il s'appropriait des objets récoltés dans les casses et marché aux puces pour les transformer en œuvres d'art. J'aimerai que l'on nous considère un peu comme leur successeur.

Chiffres clés

Cette opération porte sur deux sujets distincts : les célébrités et la société de surconsommation.

Voici donc quelques chiffres sur la pollution dans le monde :
- Un milliard de pailles non recyclables jetées chaque jour ;
- 89 milliards de bouteilles plastiques vendues ;
- 10,1 tonnes de plastique par seconde ;
- Seulement 26% des emballages en plastique sont recyclés ;
- 1,5 million d’animaux tués par le plastique chaque année ;
- 99% des animaux marins auront intégré du plastique en 2050 ;
- 11 000 microparticules de plastique dans le corps.

Découvrez le reportage qui leur est consacré

Découvrez dès maintenant les dernières oeuvres de l'exposition de Bruno Mouron et de Pascal Rostain